đź‘ź Course Ă  pieds (au pluriel)

Avé César !

Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de compte-rendu de course donc on va tâcher de remédier à ça grâce à ma dernière course qui a eu lieu vendredi dernier.

Mais avant ça, petit flashback :

Voilà, ça c’était mon état d’esprit il y a un peu plus d’un an, après le marathon de Poitiers.
Du coup, ça a donné ça :

  • juin et dĂ©but juillet, j’ai maintenu 3-4 sĂ©ances par semaine ;
  • mi-juillet Ă  fin aoĂ»t, je ne branle quasiment plus rien ;
  • dĂ©but septembre jusqu’à dĂ©but novembre, je reprends de façon plutĂ´t rĂ©gulière avant un blackout total jusqu’à 2019.

Bref, l’objectif de bosser l’endurance n’est pas parti sur les meilleures bases possibles ! :nwachukwu:

Mais 2019 sera différent ! :cena:

La page de 2018 est tournée et j’ai vraiment envie de faire une année complète (ça fait 2 années de suite où je stoppe quasiment totalement durant l’été). Du coup, je cours. Je cours, je cours et je cours encore en EF durant pas mal de semaines avec quelques dossards entre temps, mais forcément au bout d’un moment, l’EF devient saoulant. Il me faut un objectif pour le printemps pour savoir comment structurer mon planning d’entraînement. Un petit tour sur Running Aquitaine et hormis le sempiternel (je ne sais pas ce que ça veut dire mais je trouve que ça passe bien ici) semi de Poitiers (pas de marathon on a dit cette année !) que j’ai forcément dans un coin de ma tête, rien ne me saute aux yeux et me tente vraiment. Mais en arrivant au mois de juin, je vois une course de 52 bornes autour d’Agen. Philippides que ça s’appelle. :kobe2:

Pour trouver des infos sur cette course, c’est la croix et la bannière. D’après les vieux articles de journaux que je trouve, j’ai l’impression que la course est réservée à certains corps de métiers uniquement (militaires, gendarmes, etc) mais dans le doute, j’envoie un mail à l’organisateur.
Le couperet tombe, cette année, et pour la 1e fois, la course est affiliée à la Fédé et sera ouverte au grand public. Bon, allez c’est parti, on s’inscrit alors !

MAIS ON AVAIT DIT PAS DE MARATHON BORDEL :lebron2:

Bon déjà 52 bornes, c’est pas 42 et j’ai toujours dit que les grandes courses pouvaient m’attirer. En plus, c’est tout autour d’Agen donc ça a un côté assez rassurant pour une première qui me plait beaucoup.
Malgré tout ça, el famoso planning structuré sera fait au jour le jour avec quand même pas mal de sorties longues (plus qu’habituellement du moins) et en essayant de pas mal taffer les allures entre le semi et l’EF en gros. J’ai pu à 95% faire ce que je voulais niveau entraînement, il y a juste 2 semaines où j’ai eu du mal à sortir car je n’était pas très bien et le taf me prenait du temps et une ultime sortie longue où j’aurais voulu faire plutôt 30-35 bornes que j’ai du écourter à 25 car il faisait beaucoup trop chaud.

Entre temps, il y a eu le week à Poitiers où j’étais censé faire un 5 ou un 10 le samedi avec une connaissance (pas de nom, hein @Potaval ) et le semi le lendemain. Le 5 a été très dur, forcément je n’avais plus l’habitude de courir à ces allures même si des encouragements en allemand m’ont fait le plus grand bien. Le semi a été une belle réussite, je partais sans grande pression et ça a carrément roulé avec mon meilleur temps à la clé. :kidyay:

A partir de ce moment-lĂ , il reste 3 semaines avant la course : la semaine avec la SL de 25 au lieu de 35 et deux semaines de relâche pour arriver en forme le jour J (en essayant de courir un peu plus tard le soir pour caler sur l’horaire de la course, le souci du dĂ©tail !). Et comme toujours dans ces deux dernières semaines, des questions qui viennent nous hanter : « et si mon pic de forme Ă©tait au moment du semi de Poitiers ? Â», « est-ce que je vais regretter de ne pas avoir fait 35 bornes au moins une fois dans ma prĂ©pa ? Â», « et si j’avais coupĂ© trop tĂ´t ? Â». Bref. Mais contrairement Ă  l’an passĂ© oĂą les dernières semaines, je pensais nuit et jour au marathon, lĂ  je suis plutĂ´t cool avec ma course. Ça sera vraiment les derniers jours et surtout le jour J oĂą je vais tourner comme un lion en cage toute la journĂ©e (le souci majeur de faire une course le soir je pense !).

JOUR J

Dossard récupéré le mercredi soir (en passant je vois que le mec qui a le dossard avant le mien a un nom assez rigolo, par curiosité je tape son nom avec Foulées Agenaises sur Google et je vois qu’il a fait les deux derniers semis en 1h20, je rigole BEAUCOUP moins), équipement prêt le jeudi soir, taf fini à 18h30 le vendredi, retour express à la maison pour se changer et récupérer les affaires et on décolle illico presto car la dernière navette qui amène de l’arrivée au départ part à 19h30. Tout se passe comme prévu, je fais mon petit repas dans le bus histoire de ne pas partir le ventre vide et il reste désormais une grosse demi-heure à patienter sur la zone de départ qui est très peu peuplée pour le moment. En effet, on est juste 20 à faire la course en solo et ceux qui la font en duo ou en quatuor partent à 21h30. Je fais 2 fois aux chiottes histoire de bien tout décharger avant de partir et on est appelé pour le briefing d’avant-course et le départ. Bon allez, quand faut y aller, faut y aller ! :uwutmate:

On part sous les fumigènes et les vivas de la foule : environ 20 personnes.
Je ne le sais pas à ce moment-là mais ça sera le plus gros public de toute la course. :hoho:

1 km : un mec s’arrête pisser, j’ai grave envie aussi donc je saute sur l’occasion histoire de ne pas passer pour un con tout seul. Il repart comme une balle sur le peloton, je remonte plus modestement mais dans ma tête, je me fais à l’idée que je vais peut-être passer toute la course tout seul dernier mais que c’est pas grave, l’important c’est de finir.

2 km : le peloton est déjà scindé en 2 groupes de 10 (je suis bien entendu dans le 2e hein) et je suis aveuglement les mecs devant moi. Une flèche indique tout droit et on part plutôt sur la gauche mais fuck, je suis nouveau dans le milieu, je fais confiance aux mecs devant, ils ont bien du voir les premiers prendre le bon chemin. Réponse 300m plus loin : négatif, on nous indique qu’il faut faire demi-tour. A partir de là, je décide ne plus faire confiance à personne.

2,5 km (ou plutôt 3 km avec le détour) : ça grimpe gentillement et les mecs devant se mettent à marcher. Fidèle à ma décision prise au préalable, je marche aussi, les mecs ont l’expérience, ils savent comment gérer une course aussi longue. :calm:
Finalement, un mec nous dépasse et je me décide à trottiner de même dans cette montée. Voilà, c’était la dernière fois où je serais dans un groupe de la course (le mec doit être 200-300m devant moi à la fin de la montée). Pour le moment, je suis coolos, j’en profite même pour écrire 2-3 textos pour raconter que je me suis déjà trompé de chemin.

5 km (à partir de là, les kilos seront assez approximatifs) : premier ravito à disposition mais je ne m’arrête pas, on arrive sur des endroits que je connais un peu, je tente de maintenir mon allure autour des 5’45/kilo mais ce n’est pas simple car il y a des faux-plats.

10 km : là je connais parfaitement le chemin, le trail d’Agen en mars est passé par là, je marche un peu dans la montée, encore une fois j’écris des textos pour dire que tout va bien, un pote que je dois retrouver un peu plus loin me pourrit et me dit de faire ma course. Ok chef. :sadboy:
Vers le 12e, je suis à 500m de chez moi à vol d’oiseau, s’il faut bâcher, autant le faire maintenant, mais le moral et la forme sont là alors on continue !

15 km : 2e ravito où je retrouve mon pote. J’en profite juste pour remplir une de mes gourdes et je me tire, mon pote me fait la surprise de m’accompagner, ça fait clairement du bien. On remonte assez aisément le mec (lui aussi accompagné d’ailleurs) qui était parti du grupetto au tout début de course. La nuit commence à tomber et mon pote me lâche au 20e, il me dit qu’il mise sur un moins de 6h. Ahah, je vise moins de 5h30 moi, comment je vais trop l’avoir sur le coup !!!

22 km : j’arrive dans une ville, le ravito va faire du bien. Je me paume un peu car je ne vois pas les balises. Ah et pas de ravito en plus, super. La route s’élève, il fait nuit noire et on rentre dans une forêt dont je n’ai jamais entendu parler. Et comment je fais si je me fais renverser par un sanglier moi ???
Je suis tellement focus sur le balisage en hauteur que je fous les pieds une fois ou deux dans des flaques d’eau, sur le coup ça me fait rire. Ca monte pas mal et vu que je ne vois pas trop l’horizon, je marche par moment car je ne connais pas trop le dénivelé (c’est peut-être le Ventoux devant moi) et je fais pipi aussi en essayant de marcher ! Pas de temps à perdre pour faire moins de 5h30 !! :fillon1:

Dans ces eaux-là, je vais rattraper un mec. Je reste avec lui un peu pour échanger quelques banalités, il me dit qu’il ne veut pas se mettre mal (ahah le faible) donc au bout de quelques centaines de mètres, je décide de m’envoler seul vers ma destinée.

25 km : ouais un ravitooooooooo !
le mec qui pointe au loin : « c’est le 10 qui arrive !? Â»
« euh non c’est le 5 :disappointed: Â»
« ah oui, euuuuuh bravo ! Â»

Comme au ravito d’avant, j’en profite pour remplir mes gourdes mais pour gagner du temps, je ne les sors même pas de mon gilet ! Je capterais un peu plus tard que j’ai foutu de l’eau un peu partout à côté d’une gourde et que ma barre de céréales en dessous est devenu liquide. :hoho:
Allez, on n’est pas trop mal là, on repart !

26 km : ça descend grave de chez grave puis ça remonte et ça redescend et ça remonte. Et je suis dans le noir, seul, y a pas une lumière, pas de maison, je suis dans un endroit que je ne connais pas, il commence à faire froid (forcément en marchant, on se réchauffe), les cuisses commencent à me faire mal. Bref, c’est le début de la fin.
Je vais vivre les 10 pires kilomètres de mon existence.

5h30 HEIN ! ABRUTI VA ! :fillon4:

Tout me traverse l’esprit : pourquoi je me suis inscrit, vas y je marche jusqu’au prochain ravito, on appelle quelqu’un et on me rapatrie à Agen et je brûle toutes mes chaussures, c’est fini la course à pied. Tant pis si je ne suis qu’une merde et que j’abandonne. Au bout d’un moment je vois une lumière derrière moi, un mec, le premier, d’un relais de 4, me rattrape. Enfin non, il ne me rattrape pas. Il me dépose. En une fraction de secondes, je me retrouve à nouveau seul dans le noir. Ca me semble interminable. Pourtant y a un ravito 5-6 bornes après je crois mais ça me semble être une éternité. Comme d’hab, je me stoppe pour remplir mes gourdes. Je fais tomber un de mes bouchons par terre. Je n’arrive pas à le voir alors qu’il est juste à mes pieds, même après que la bénévole me montre l’endroit du doigt, je mets quelques secondes à le trouver : la lucidité me perd complètement.

36 km : les kilomètres prĂ©cĂ©dents sont du mĂŞme acabit que les autres et un nouveau ravito est en approche. C’est le lieu du dernier passage de relais, il y a un peu plus de monde et les encouragements font chaud au coeur. Je croise aussi une vieille connaissance, ça fait toujours plaisir dans ces moments-lĂ . Au ravito, les mecs sont super sympas et j’ai un peu d’auto dĂ©rision sur la situation, ils me disent que lĂ  je regrette peut-ĂŞtre mais que ça fera de bons souvenirs Ă  l’arrivĂ©e. J’ai du mal Ă  y croire mais je le garde quand mĂŞme au fond de moi. En tout cas, le phase de « bad Â» semble terminĂ©e. Maintenant, on revient vers Agen, chaque pas que je fais me rapproche de chez moi ou de l’arrivĂ©e donc Ă  quoi bon abandonner. Une chose est sĂ»re : je finirais dans tous les cas. MĂŞme s’il faut marcher les 15 bornes restantes.

C’est donc avec un moral un peu meilleur que je repars mais direct, une petite descente sympathique avec des marches ramènent mon état physique à la raison.

Je décide de me mettre un peu de musique pour que le temps passe plus vite. Une chanson, deux chansons, trois chansons, putain ma montre n’a toujours pas bippé !! Elle ne marche plus ou quoi ??
Ah bah si, c’est juste que je cours à plus de 7 au kilo, mentalement, ça fait mal. Du coup, à partir du 40e, je me dis qu’il faut ménager la monture. 1 kilo en courant (enfin on se comprend hein) - 1 kilo en marchant. Si mes calculs sont bons, les 6h peuvent passer comme ça même si je sais qu’il reste une dernière côte à la fin.

42 km et quelques : RECORD ALL TIME, je n’avais jamais couru plus de ma vie. A partir de là, chaque mètre est du bonus et je ne sais pas si c’est ça ou les ravitos mais je décide d’esquiver mon kilo en marchant pour continuer à courir ! ALLEZ ON Y CROIT LA
En plus, de plus en plus de relayeurs me doublent, 99% ont un petit mot sympa pour moi, le 1% restant aura le droit à de gros doigts une fois qu’il sera un peu plus loin. On sait jamais, s’il me voit et qu’il fait demi-tour, j’aurais du mal à m’enfuir.

44 km : dernier ravito, une dame se propose de remplir mes gourdes, merci à elle. Pookie d’Aya Nakamura en fond sonore, autant dire qu’on ne s’attarde pas. J’en profite aussi pour pisser contre un bosquet. Le chemin est le même que lors de mon trail en février, maintenant on ne lâche plus !!

Les kilos défilent et on touche au but, la dernière montée est bien gérée, je connais parfaitement cet endroit, j’y ai couru déjà plusieurs fois, ça fait du bien d’être à la maison bordel. Bonus, je vois un mec qui marche devant, à mon avis c’est un gars du solo.
Désolé mec, ce n’était pas très esprit trail mais j’avais vraiment envie de finir et je ne me suis pas arrêté pour taper la causette (je lui ai quand même glissé un petit mot d’encouragement, je ne suis pas un monstre). Plus qu’à descendre et c’est la délivrance, tout mon corps me fait mal mais c’est pas grave, on pousse, les 6h sont dans la poche en plus, c’est la cerise sur le gâteau. J’arrive sous les vivas du speaker (en même temps, à 2h30 du matin, fallait pas s’attendre à la foule) et j’ai envie de chialer mais je crois que je n’ai pas la force.

Ma vieille connaissance est là et me félicite mais je crois que je ne réalise pas ce que je viens de faire. J’ai couru pendant 5h50, j’ai fait plus de 50 bornes avec 800m de plus.
C’est juste maintenant que je m’en rends compte en tapant ce compte-rendu. Alors bien sur ce n’est pas un ultra-trail de 160 bornes avec 5000 de D+ mais, sans vouloir être prétentieux, je crois que je peux être fier de ce que j’ai accompli vendredi soir, notamment de ne pas avoir lâché alors que tout ça me semblait impossible.

A l’heure où j’écris, j’ai toujours mal aux cuisses mais comme les vieux du ravito me l’avaient prédit c’était une superbe expérience. J’y ai vécu à la fois les pires et meilleurs moments de ma vie je crois, c’est fou à quel point la tête peut tout contrôler.

Avec le recul, j’étais prêt (et encore) pour un 50 km plat de jour, pas pour un 50 km vallonné à travers champs et forêts de nuit. Mais c’était génial. Il me tarde de recourir, en espérant être un minimum régulier cet été pour pouvoir profiter de quelques courses sympas à l’automne. Et cette fois, je ne m’interdirais rien. ;)

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