Et niveau serpent qui se mord la queue on est pas mal dans le genre.
Les flics choppent un mec décrit comme ayant commis une infraction, genre vol à l’arrachée ou autre. Bon, ils le ramassent. Si la victime est présente, elle ne porte pas forcément plainte, du coup le type est relâché. Infraction sans sanction, pas toujours simple à vivre mais soit.
Si la victime n’est pas présente, le proc’ peut décider de relâcher le gars. Ok. Du coup, on a un type contrôlé, non poursuivi.
J’exagère à peine, mais si le mec est un auteur récurrent de ce genres d’infractions sans poursuite, on a une multiplicité de contrôles du gars sans poursuites.
On génère de la frustration côté flic parce que le gars qui nuit au quotidien n’est pas sanctionné. Pire, il les nargue. On génère de la frustration côté population parce que les mecs sont contrôlés, non sanctionnés, donc contrôlés pour rien, donc emmerdés dans leur quotidien.
Je ne dis pas que tous les contrôles sont ainsi, il y en a un nombre certain qui sont « au faciès » ou juste pour faire chier les contrôlés. Mais même lorsqu’ils sont justifiés l’absence de réponse ou de suite finalement nuit aux 2 parties.
Dans le même genre, générateur de frustrations, les femmes battues. Je n’ai pas de chiffres en tête, mais les flics sont appelés régulièrement par certaines femmes battues. Ils viennent donc pour calmer le jeu, éventuellement embarquer le mari violent, mais la victime va refuser de porter plainte. Du coup, sans flagrance, les flics ne peuvent pas embarquer le type. Il reste chez lui à cogner sur sa femme tous les samedi soirs. Et ils sont obligés d’accepter cela jusqu’au samedi suivant.
Parfois, certains vont forcer le proc pour embarquer le type, particulièrement lorsque la victime présente des traces apparentes de violences sur le visage. Alors, ils peuvent rattacher ça à la flagrance et embarquer le gars. Si les bleus sont sous le tshirt alors ils ne peuvent rien faire.
Côté proc’ c’est pas marrant non plus. Des tas de procédures à gérer, peu de moyens humains, peu de temps à accorder à ces différents dossiers, une politique pénale orientée vers les infractions les plus graves ou les troubles à l’ordre public d’actualité (radicalisation notamment).
Sur les moyens de la police j’ai déjà évoqué dans ce sujet ou un autre le fait que les effectifs de nuit achètent leur propres lampes de poche pour travailler la nuit plutôt que de se trimbaler avec une lampe énorme qui pèse près du kilo (j’exagère à peine) quand l’équipement réglementaire est déjà lourd. Sans parler des locaux insalubres dans lesquels ils travaillent, des véhicules à l’agonie etc…
Après on peut parler de la considération très différenciée par la population de leur utilité.
Plusieurs m’ont raconté les mêmes incidents lors d’interpellation. Après un signalement d’un vol à l’arrachée, par exemple, on leur décrit une personne noire de peau ou rom. Avec les caméras, ils repèrent et appréhendent. Ok. Puis au moment de l’interpellation, ils fouillent la personne en question, tombent sur le portable arraché. Et ils se font alpaguer / invectiver par un ou plusieurs badauds qui les accusent de barbarie et de délit au faciès alors que pour le coup leur intervention est pleinement justifiée.
A côté de ça, tu rajoutes la victime ne porte pas plainte par flemme ou crainte, du coup l’auteur de l’infraction est laissé libre, l’objet récupéré mais ils se sont fait pourrir et l’auteur de l’infraction est laissé sans sanction. Ce qui peut être frustrant.
Reste qu’il est toujours bon de rappeler la réalité d’un métier avant de théoriser à outrance sur ce que c’est ou ce que ça devrait être. Surtout quand ce métier est éminemment pratique et peu théorique.
Quand certains théorisent le laxisme, c’est plus compliqué que ça.
Quand d’autres théorisent la barbarie, c’est pas aussi simple non plus.
Après, dans le laxisme, on peut évoquer plusieurs origines. L’opportunité des suites en est une. Ensuite, il peut y avoir la qualité des procédures, que ce soit le déroulement dans son ensemble, des auditions en particulier, des procès-verbaux etc… Et puis, tout n’est pas récidive.
Pour avoir un peu traîné dans les tribunaux, des mecs avec des casiers long comme le bras tu en retrouves.
Je me souviens d’un type, sdf ou ancier sdf, me souviens plus trop, qui avait fait de la prison pour meurtre pour avoir pousser son pousser un pote sdf qui lorgnait de trop près sa femme de l’époque. Il l’avait foutu à la flotte et avait maintenu suffisamment pour que toute envie lui passe. Il a fait de la cabane.
Il ressort et plusieurs années plus tard se retrouve chez des amis. Bon, la nana de son pote avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas il lui avait explosé le nez en plein repas, à la cool, et menacé de buter les autres.
Il s’est fait gaulé. Tribunal. A l’audience il se décrit comme contrit de remords. Présente ses excuses et tout.
La juge le condamne parce que bon c’est un sacré violent, il n’a pas juste dérapé. Bah au prononcé de la peine, il s’est énervé d’un coup est devenu menaçant, frôlant l’outrage et faisant quasi regretté la juge de ne pas le condamner à plus.
Typiquement, c’est un exemple parmi tant d’autres, on voit la complexité de la choses. A quel point le mec a-t-il changé? A quel point est-il honnête dans sa description des faits et de ses intentions, y compris dans l’expression de remords? Celui là est sous doute un type violent naturellement, mais un autre qui est en train de se réinsérer subirait cette nouvelle peine comme une rechute qui pourrait lui nuire à long terme finalement.
Rien n’est simple la dedans.
Quand un flic embarque un mec il a la certitude que c’est l’auteur de l’infraction. La présomption d’innocence n’est pas présente à son esprit. Il a le gars, il faut le faire condamner. Il ne prend pas un gars s’il est innocent, par essence même.
La justice a la présomption d’innocence. On ne peut considérer quelqu’un comme coupable tant que pas condamné. Il a le droit à un procès équitable et c’est essentiel. Le juge a face à lui quelqu’un qui s’est préparé ou pas. Il doit se fier à l’infraction et au dossier du gars. Un gars relâché 50 fois pour des délits mineurs quand il sera jugé il sera considéré comme « vierge » alors que, concrètement, c’est sans doute un type qui enchaîne infraction sur infraction car rien n’est au dossier.
Et au bout de chaîne, le juge d’application des peines qui doit proposer des alternatives à la prison et un accompagnement de chacun sachant qu’il a un temps très limité et nombre de dossiers à traiter.