Mr. Robot met en scène Elliot, un hacker addict, solitaire et dépressif qui veut faire tomber la plus grande société mondiale pour remettre de l’ordre dans le Monde. Pour cela il rejoint le groupe fsociety dirigée par un certain Mr. Robot… Lorsque Mr. Robot arrive sur les écrans en 2015 sur la chaîne USA, le bouche à oreille tourne vite à plein régime avec la promesse d’une série ambitieuse et différente, le succès critique est immédiat avant de partir plus discrètement 4 ans plus tard. Ce thriller psychologique ambitieux a surpris puis légèrement déçu, avant de trouver sa voie de la plus belle des manières.
Temps de lecture estimé : 10 minutes
Elliot, un narrateur peu fiable
« Hello, friend » - Un personnage principal qui s’exprime au téléspectateur n’est plus très original de nos jours, mais Mr. Robot arrive à se distinguer en nous mettant au cœur du récit avec un narrateur qui s’avère être assez peu fiable.
La dépression (ainsi qu’un autre trouble psychologique que l’on découvrira rapidement) conduit Elliot à créer notre personnage dans son univers et faire de nous son ami. Nous sommes là pour l’aider à comprendre ce qui lui arrive, gérer ses angoisses mais Elliot ne nous fait pas toujours confiance car on le trahira quelques fois. Il nous cachera des choses, il nous demandera des comptes quand il est pris de cours par une révélation, parfois il nous ignorera et ne nous parlera plus pendant plusieurs épisodes. Notre relation avec le narrateur est complexe, tout comme celle qu’Elliot entretient avec tous les autres personnages de la série.
Ce rapport complexe avec le personnage principal pourrait être un gadget, mais c’est un procédé efficace à plusieurs niveaux. La psychologie d’Elliot est un point central de la série et cela nous permet de mieux le comprendre, ou du moins à plus assimiler ses troubles. Le fait qu’il ne soit pas toujours fiable nous amène à avoir des es doutes sur ce que l’on voit, en plus de faire travailler notre cerveau en permanence, ça renforce parfois des surprises et révélations.
Un récit moderne qui prend des risques
« Power belongs to those who take it » - Un groupe d’hackers anarchistes voulant faire tomber la plus grosse société du monde pourrait donner lieu aux pires poncifs du monde au niveau du scenario. Certains monologues peuvent paraître naïfs ou au contraire faussement edgy, au premier abord, les personnages sont clichés.On pourrait argumenter que les discours sur les 1% des 1% les plus riches ne sont pas toujours les plus fins et certains montages avec des personnalités réelles comme Obama, Merkel, Steve Jobs sont des artifices faciles pour ancrer le récit dans une réalité politique moderne. Mais, la dépiction très froide de notre société n’en reste pas moins pertinente et les risques pris dans le récit après la première saison sont quelque chose de très rares à la télévision.
Comme dit plus haut, les personnages de la série semblent clichés au premier abord, mais très rapidement chacun va dévoiler tout son potentiel. Elliot n’est pas le héros torturé qu’on imaginait, Darlene n’est pas qu’une grande gueule en quête d’adrénaline, Mr. Robot cache de nombreux secrets. Tyrell est un bon exemple. Au départ, c’est une personne ambitieuse qui semble prête à tout pour devenir le futur patron d’E Corp. Sa femme aux tendances masochistes semble le manipuler. Mais Tyrell va prendre des virages à 90 degrés en permanence, faisant de lui une personne impossible à lire, à prédire. Bien qu’il ne soit pas mon personnage favori, il offre un portrait unique dans l’univers des séries TV. Quand un dealer croisé dans la première saison refait surface dans la dernière ligne droite, on se met à douter de l’utilité de ce retour, jusqu’à ce qu’il amène une des révélations les plus importantes de la série. Les personnages ne sont pas toujours cohérents, mais leur rôle dans la série l’est.
Ce qui est plaisant avec Mr. Robot c’est que les grandes lignes ont été prévu depuis le début. Des scènes qui paraissent anecdotiques dans la première saison trouvent leur sens dans la dernière. Un plan sur 5 ans était en place et les principaux twists étaient déjà connus de son auteur dès le début. Même quand la série est finalement raccourcie à 4 saisons, rien ne semble sacrifié ni accéléré brutalement. Sam Esmail parvient à garder une sorte de faux rythme pour mieux nous prendre à contre-pied au cours de chaque épisode. La série semble avoir quelques épisodes dits « filler », un terme généralement négatif pour désigner des épisodes de remplissage, les cliffanghers sont souvent ignorés pendant un épisode, voire deux, pour trouver leur résolution plus tard. On peut penser qu’on joue avec nos nerfs pour tirer sur la corde. Mais après les deux premières saisons, on commence à se familiariser avec ce style qui joue avec nos frustrations. On comprend que ce détour incompréhensible dans la tête d’Elliot pendant un bad trip, qu’un épisode sur Angela au moment où on voulait voir quelqu’un d’autre sur le devant de la scène ou qu’une balade en forêt auront une utilité à plus long terme.
Un thriller magnifique et intense
« How do we know if we’re in control? » - Dès les premières minutes de la série, on sent une patte différente, unique dans la photographie et la réalisation et cela sera maintenu et renforcé durant tout son parcours. Après un travail collectif dans la première saison, Sam Esmail va réaliser tous les épisodes à partir de la saison 2, il va affiner son style pour offrir des scènes marquantes. Il suffit de mentionner à ceux qui ont vu la série la rencontre entre Dark Army et le FBI en Chine, la scène du restaurant avec Cisco et Darlene, l’épisode plan séquence, la pièce de théâtre en 5 actes ou l’épisode aux deux lignes de dialogue pour avoir des images incroyables en tête. Que ce soit par la froideur de certaines scènes, l’audace d’Esmail et ses paris payants, Mr. Robot laisse des souvenirs inoubliables dans nos mémoires.
Mr. Robot brille aussi par sa musique, elles mettent parfaitement en valeur les moments d’angoisse, de tension, de stupeur ou d’émotion que l’on va traverser. Mac Quayle a réalisé un travail phénoménal sur les 7 albums composant l’OST de la série. Les autres morceaux non-originaux accompagnant Mr. Robot sont souvent efficaces également , il y a un côté kitch volontaire qui est amusant, et on ne peut pas nier qu’il y a eu un coup de maître quand on arrive à te filer la larme à l’œil avec Carly Rae Jepsen en fond sonore.
Les acteurs font aussi un sans faute. Rami Malek mérite toute les louanges qu’il a reçu sur la série. Carly Chaikin prend une autre dimension au fil des saisons. Grace Gummer prouve qu’elle est bien plus que la fille de Meryl Streep. Michael Cristofer avec sa voix tremblante fait un Phillip Price surprenant, on l’aimera autant qu’on le détestera. Chaque apparition de Joey Bada$$ est un plaisir. Et bien sûr on ne peut pas ne pas citer BD Wong qui interprète une Whiterose redoutable et fascinante. Je n’ai pas cité tout le monde, mais chaque acteur va gérer parfaitement les moments forts de leur personnage. Après le visionnage de cette série, vous aurez à coup sûr un tout autre regard sur ces acteurs et une affection particulière pour eux à l’avenir.
Si comme moi vous avez mis la série de côté après une deuxième saison poussive (la mise en place est lente, les mystères sont trop étirés et l’aspect psychologique complexifié prend trop le pas sur le récit), donnez une seconde chance à la série. La troisième saison remet le thriller au cœur de la série et l’aspect psychologique qui suivra sera plus captivant. Le rythme des révélations et des épisodes est mieux maîtrisé et je vous assure que vous vivrez des moments inoubliables. Des moments au niveau d’un Breaking Bad. Et je ne dis pas ça à la légère.
Pour en savoir plus, consultez le sujet dédié à Mr. Robot : Mr. Robot