Medhi Benatia, le directeur du football de lâOM, sâest longuement livrĂ© sur sa conception du mercato, sa vision du mĂ©tier de dirigeant et son rapport compliquĂ© aux instances.
MARSEILLE â On dĂ©barque Ă lâhĂŽtel Intercontinental Ă 11 h 02 ce mardi matin, avec deux minutes de retard, et Medhi Benatia nous interpelle, sans lever le doigt : « Comme Elye Wahi, attention aux horaires ! » Quelques jours avant, le directeur du foot de lâOM avait acceptĂ© un long entretien avec LâĂquipe, et il Ă©tait certain que le rendez-vous serait intense. Plus que « les clashs », lâancien capitaine du Maroc aime les Ă©changes argumentĂ©s, et il nâa esquivĂ© aucune question.
Quelles Ă©taient les volontĂ©s de lâentraĂźneur Roberto De Zerbi concernant le mercato ?
AmĂ©liorer lâeffectif, rĂ©gler ce quâon nâavait pas pu faire au mois dâaoĂ»t. AprĂšs, entre aoĂ»t et janvier, il nây a pas eu de miracle, jâaurais bien aimĂ© trouver 40M⏠cachĂ©s Ă la Commanderie et les investir. Dans la rĂ©alitĂ©, tu prĂ©vois des choses, tu fais sortir des joueurs pour lesquels tu as compris que ça nâallait pas passer, Ă lâimage dâun Lilian (Brassier). Il est arrivĂ© Ă Marseille avec plein dâenvie, ça nâa pas pris pour lui, il ne faut pas insister. Il nây a pas de mauvais joueurs, il nây a que des mauvais contextes.
De Zerbi aime sâimpliquer sur le mercato, cela avait crĂ©Ă© des tensions Ă Brighton. Comment gĂ©rez-vous cette donnĂ©e ?
Je savais comment Roberto vit son mĂ©tier, les raisons de son dĂ©part de Brighton. Le âDe Zerbi Ballâ nâest pas donnĂ© Ă tout le monde, les centraux et les deux milieux sont amenĂ©s Ă toucher 130 ballons par match, si je lui ramĂšne des profils de centraux et de milieux qui nâont pas de pied, mais sont juste capables de tacler ou de sauter pour mettre des tĂȘtes, ce nâest pas ce quâil lui faut. Au dĂ©part, on a pris lâengagement de le mettre dans toutes nos discussions mercato. Par contre, toutes les dĂ©cisions sont prises par Pablo (Longoria, le prĂ©sident) et moi.
Il a Ă©tĂ© direct sur le dossier de lâavant-centre.
Il faut garder son calme. On savait quâElye (Wahi) allait ĂȘtre amenĂ© Ă partir depuis trois semaines, on a Ă©tudiĂ© beaucoup de profils, certains Ă©taient inatteignables. AprĂšs, des observateurs font passer Amine Gouiri pour un âpanic buyâ, ce qui est faux, on sait ce quâAmine peut nous apporter, et en vingt-cinq minutes, dimanche contre Lyon (3-2), on a tout de suite compris. Jâaimerais bien ĂȘtre comme Manchester City, avoir des moments plus difficiles comme le passage Lille-Strasbourg-Nice et ĂȘtre capable de claquer 120 MâŹ. Ce nâest ni notre rĂ©alitĂ© ni notre vie. On doit anticiper. Tu as peut-ĂȘtre 12, 13 joueurs dans ta liste dâattaquants, tu lâĂ©tudies avec les scouts, le coach, et aprĂšs tu prends la dĂ©cision la plus juste. Mais on nâĂ©coutera jamais les pressions des supporters, de lâentraĂźneurâŠ
AprĂšs la victoire contre Lyon, De Zerbi a parlĂ© dâun besoin âde 22, 23 joueurs de haut niveau dans le groupe, comme Lyon, Lille, MonacoââŠ
Je ne suis pas dâaccord. Il te reste 14 finales. Lille, Lyon, Monaco ont peut-ĂȘtre un effectif un peu plus ample, mais ils nâont pas la qualitĂ© que nous avons, je ne vois pas de Luis Henrique, de Rabiot, dâHöjbjerg, de Rongier, de Balerdi, de Greenwood⊠On a une Ă©quipe forte. On le savait dĂ©jĂ au mois dâaoĂ»t. Il faut encore du temps. On a parlĂ© dâun projet de trois ans, cela fait six mois, tu es 2e de L1, il nây a pas le feu. Avec le coach, on sâappelle jusquâĂ pas dâheure, je ne lui ai jamais fait une promesse que je ne pouvais pas tenir.
Brassier, Wahi, KonĂ©, parmi vos grandes promesses de lâĂ©tĂ©, sont partis. Le mercato est-il la seule rĂ©ponse pour des jeunes joueurs en difficultĂ© sportive ? Pourquoi ce type de profil nâarrive pas Ă grandir ici ?
Tu recrutes un joueur sur du scouting, par vidĂ©o, en se dĂ©plaçant Ă des matches, via des Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques, furtifs aussi dans un restaurant, par exemple⊠Son caractĂšre, tu ne le dĂ©couvres quâaprĂšs la signature. Au dĂ©but, tout est beau, tout est rose. Mais quand le joueur commence Ă faire deux, trois matches sur le banc, quand il te fait des rĂ©flexions parce quâon lui demande plus, dans lâintensitĂ©, sur la rigueur, le travail, le sacrifice, la rĂ©action au ballon perdu et quâil rĂ©pond : âCâest la faute de lâautre, pas la mienne, ou câest le coach, etc.â, lĂ , tu te dis : ça va ĂȘtre plus compliquĂ© que prĂ©vu pour en tirer le maximum. Dans les appels, la premiĂšre chose que De Zerbi dit aux joueurs, câest : âDonne-moi ton cĆur, donne-moi ta tĂȘte, fais-moi confiance, suis-moi, et le reste ça viendra.â La rĂ©ponse : âOui, oui, ouiâŠâ Si ça ne se traduit pas par des actes pendant des mois, on fait comment ? On fait semblant que tout va bien, parce quâon les a choisis, parce quâon ne veut pas se mouiller ? Nous, on a dĂ©cidĂ© de prendre des dĂ©cisions pour amĂ©liorer les choses.
Quitte Ă ĂȘtre dans le changement permanent ?
Mon but nâest pas de changer dâĂ©quipe tous les cinq mois. On peut avoir de la patience, mais il y a des choses qui ne sont pas nĂ©gociables, le but est de se fier Ă certains joueurs avec une certaine mentalitĂ© et dâaller de lâavant, comme un Isma Bennacer (recrutĂ© lors du dernier jour de mercato), par exemple, je sais quâil remplit toutes ces cases. Je nâai aucune peur Ă le dire : pour certains, on continuera Ă passer pour un hall dâaĂ©roport, mais on prendra la responsabilitĂ© de changer si lâattitude nâest pas bonne.
Un Wahi, vous ne pouvez pas dĂ©couvrir ses failles mentales Ă son arrivĂ©e. Vous connaissez son agent depuis un bail, ses anciens coachesâŠ
Si Elye nâavait pas certaines failles, il ne serait pas allĂ© Ă Lens ou chez nous, mais directement dans un top club. On a toujours Ă©tĂ© trĂšs clairs : âVoilĂ comment tu interprĂštes ton mĂ©tier, voilĂ ce que moi je vais te demander.â RĂ©ponse : âOk, ok, okâŠâ Je ne suis pas dans la police, je peux ĂȘtre lĂ pour les joueurs, matin, midi et soir, ça ils le savent, mais je dois mettre un cadre, une discipline, un environnement de travail. Celui qui ne peut pas rĂ©pondre à ça, je nâai pas de problĂšme Ă mâasseoir et trouver des solutions. Elye vient de signer Ă Francfort, il remplace Marmoush, parti Ă City, et je suis persuadĂ© quâil fera de trĂšs belles choses lĂ -bas.
Le dossier Paul Pogba pourrait-il revenir sur la table ?
Câest particulier. Un joueur, un homme quâon aime beaucoup avec Pablo. Qui, dans un groupe, est important, un leader, un vrai mec de football, un passionnĂ©. Malheureusement, Paul a eu des blessures depuis quelques annĂ©es, il a eu sa suspension (voir page 10). On y a rĂ©flĂ©chi, on voulait le faire. Le problĂšme : si on fait venir un Paul Pogba qui nâest pas encore âfitâ, est- ce que ça a du sens de faire basculer les Ă©quilibres, avec le cĂŽtĂ© mĂ©diatique autour, pour un joueur qui ne pourra pas participer Ă cette fin de saison ? Je sais pourquoi lâOM est un projet qui lui parle, pourquoi il aurait sĂ»rement aimĂ© venir. On va suivre lâĂ©volution sur les six mois, et sâil y a quelque chose Ă faire, on serait ravis dâavoir un joueur comme Paul Pogba pour nous donner un coup de main lâannĂ©e prochaine, si lâoccasion se prĂ©sente. »
« Comment jugez-vous vos débuts comme directeur sportif ?
Jâai envie de me baser surtout sur les sept derniers mois ! Les six premiers, jâai essayĂ© de les oublier, mĂȘme si ça reste gravĂ©, câest dur. Entre les dĂ©parts Ă la CAN, le mercato encadrĂ© par la DNCG, peu de moyens pour recruter⊠Une Ă©quipe trĂšs moyenne, une attitude catastrophique. Tant de choses Ă changer, de bordel dans le club. Je me fais petit, je prends des notes. Je mets en alerte sur deux, trois points importants, le sĂ©rieux, le travail, remettre ça au milieu. On fait Ă lâarrivĂ©e une demi-finale de Coupe dâEurope. La vĂ©ritĂ©, je ne sais mĂȘme pas comment. On prend. Tu finis 8e en L1, bien sĂ»r, câest honteux, je le vis comme le plus gros Ă©chec sportif de ma carriĂšre. Et en fin de saison, jâai dit : âSoit on dĂ©cide de prendre des dĂ©cisions radicales, soit on risque de foncer dans le mur.â Et moi, je nâai pas le temps pour ça, jâai dâautres projets. Pablo, en alignement avec le propriĂ©taire : âNon, non, on ne va pas aller dans le mur, sâil faut tout changer, on va tout changer. On va repartir sur une page blanche.â
Que fallait-il changer, en priorité ?
Quand jâarrive, je vois Aubameyang, 34 ans, un des plus grands buteurs des quinze derniĂšres annĂ©es, qui joue tous les matches, jeudi-dimanche-jeudi-dimanche, eh bien, il sâentraĂźne pareil quâun Vitinha, qui a 22 ans et ne joue pas beaucoup. Je nâavais jamais vu ça dans ma carriĂšre. Il faut leur expliquer pourquoi on nâest pas sur le bon chemin. On a ramenĂ© un directeur de la performance, on a changĂ© des choses Ă la formation. On leur met des sĂ©ances vidĂ©o, on a ramenĂ© un psychologue. On a dĂ©veloppĂ© le âplayer careâ. Luis Henrique, quand Pablo le ramĂšne, on te dit câest un crack, puis aprĂšs, quâil nâest pas bon, il faut quâil dĂ©gage au BrĂ©sil. Mais on a fait quoi pour lâaider ? Tu as donnĂ© un salaire Ă un joueur fort, et puis dĂ©brouille-toi dans Marseille. Tu ne sais mĂȘme pas ce quâil fait. Il a un prĂ©parateur physique Ă la maison ? Tu dois savoir ce quâil concocte. Un cuisinier ? Est-ce quâil est en relais avec le nutritionniste du club ? Ăa sâappelle faire du football, on nâest pas seulement lĂ pour signer des contrats. Sauf quâĂ Marseille, quand tu changes, tu te fais des ennemis Ă lâintĂ©rieur.
Vous nâĂȘtes pas plus patient, plus diplomate quâavant ?
Non, pas du tout. Je suis trĂšs diplomate, mais je dis ce que je pense. Jusquâau dernier jour, je vais toujours dĂ©fendre lâinstitution, les joueurs tant quâils sont dĂ©fendables, mon entraĂźneur. Si câest un Ă©chec, le coach, ce sera mon Ă©chec. Jâai fait venir ma famille de DubaĂŻ, alors quâils ont dĂ©jĂ beaucoup voyagĂ© pendant ma carriĂšre. ConcrĂštement, quand tu fais ce mĂ©tier-lĂ , Ă Marseille, tu nâas pas de vie de famille. Les enfants, ma femme, ils sont lĂ , mais tu partages trĂšs peu, ce club te prend toute ton Ă©nergie. Je ne vais pas laisser des gens mal intentionnĂ©s mettre des bĂątons dans les roues pour le sportif.
ConcrĂštement, que voulez-vous dire ?
Si jâĂ©coute les gens, je suis parano, je me fais des films toute la nuit. Je nâai pas le temps de me faire des films, je ne dors pas la nuit. Lâeau du robinet qui coule Ă Marseille, elle est bonne, non ?
MG : Elle est trĂšs bonne.
Mais dans lâeau, il doit y avoir quelque chose de spĂ©cial, car des gens qui arrivent dans certaines fonctions Ă lâOM, aprĂšs un mois et demi, ils se sentent pousser des ailes (1). Ătant donnĂ© que moi, je suis radical dans ma façon de faire les choses, ces gens ne te disent pas en face : âOh pourquoi il me dit ça ?â Ils font semblant dâavoir compris et derriĂšre, ils vont te casser, tâempĂȘcher de travailler. Aujourdâhui, lâOM, cela fait rĂȘver beaucoup de personnes. Moi, je ne rĂȘve pas. Jâaspire Ă aller en Ligue des champions, et le jour oĂč je partirai, me dire : âVoilĂ , jâai pris ce club-lĂ dans ces conditions, jâai sacrifiĂ© deux, trois ans de ma vie, sĂ»rement pas plus, pour remettre le club Ă ce niveau-lĂ . Vous ĂȘtes contents, pas contents ? Croyez-moi, jâai fait le maximum tous les jours.â Je nâaurai pas laissĂ© des gens interfĂ©rer dans le sportif. Jâai essayĂ© de ramener des collaborateurs, comme ça ne correspondait pas avec ce quâils voulaient, ça a toujours mis du temps. Et les messages passĂ©s Ă la presse⊠Je nâĂ©tais pas la personne quâils auraient voulu voir aux commandes de ce projet-lĂ . Chacun a le droit de le dire au propriĂ©taire : âJâaurais voulu un autre directeur sportif.â Mais ils ne le font pas, ils agissent toujours par-derriĂšre. Je ne supporte pas cela.
Vous avez eu gain de cause, le propriĂ©taire vous a promu en janvierâŠ
CâĂ©tait trĂšs compliquĂ©, au dĂ©part, dâexpliquer Ă De Zerbi tout le bordel, mais je lui ai promis : âNe tâinquiĂšte pas, je suis responsable. Je vais nettoyer tout ça, je vais te faire travailler dans un contexte comme si tu Ă©tais Ă Sassuolo.â Aujourdâhui, il me dit : âJe ne sens pas une pression particuliĂšre ici, il y a cet engouement, câest magnifique, et au club, je travaille bien, il y a mes hommes avec moi, câest sain.â Mon rĂŽle Ă©tait dâisoler le sportif, le propriĂ©taire lâa compris et tant que Pablo est dâaccord pour suivre ça, je nâai de comptes Ă rendre Ă personne.
Quel est votre rapport Ă Marseille ?
MĂȘme si je nâai pas eu la chance de jouer avec lâOM, jâai fait ramasseur de balles au VĂ©lodrome, jâai revu rĂ©cemment une vidĂ©o avec Samir (Nasri), avant le match contre le Real Madrid, face aux Galactiques (en 2003), on court derriĂšre les ballons sur le cĂŽtĂ©. Pour le match contre Lyon (3-2), avec mon ami Nabil, on est arrivĂ©s au stade vers 18 h 30, et tous les escaliers devant le VĂ©lodrome Ă©taient pleins de monde. Je nâai pu mâempĂȘcher de sortir le tĂ©lĂ©phone et de faire une vidĂ©o, je lui ai dit : âPutain, imagine, jâaurais fait ne serait-ce quâun match ici !â Ce sont des ambiances qui me parlent, jâaurais Ă©tĂ© performant pour ces gens, Ă 100 %. Jâai signĂ© mon premier contrat Ă 18 ans, ma famille est venue. Ma mĂšre est restĂ©e Ă Marseille, je suis toujours venu lui rendre visite pendant mes vacances, jâai mes sĆurs ici. Ce club mâest cher. Je ne sais pas combien de temps je resterai, sĂ»rement pas longtemps, et je nâai pas peur de le dire. Câest usant mentalement, physiquement. La seule garantie : je vais tout donner jusquâau dernier jour. Je suis au contact des Marseillais au quotidien, de tous niveaux. Je sais pourquoi câest important pour eux, pourquoi câest important pour moi. Je suis en mission ; pour moi, ici, câest une mission.
Et une transmission ?
Aujourdâhui, vous dire quâon va aller en Ligue des champions, câest impossible, je ne sais pas. Par contre, quand je prends le dernier match, je vois du caractĂšre, une Ă©quipe qui me ressemble, qui ressemble Ă mon entraĂźneur, qui ressemble Ă mon prĂ©sident. Pablo, il regarde 42 matches par week-end, comme De Zerbi, comme moi. Je ne peux pas accepter que nous, on ait un niveau de passion Ă ce niveau, et que des gamins de 22-23 ans pensent que lâOM, câest trois heures par jour et aprĂšs je fais autre chose. LâOM, câest 8, 9 heures par jour, minimum. DerniĂšrement, jâai eu une discussion de quinze minutes avec un joueur du club, qui ne comprenait pas pourquoi on avait mis des cours de français, deux fois par semaine, quarante-cinq minutes. Ăa, ce sont des choses qui me gonflent au plus haut point. Si moi je dois expliquer Ă un gamin de 22, 23 ans pourquoi, quand tu as un contrat long terme, câest important de faire ces deux fois quarante- cinq minutes de français par semaine, câest que tu nâas rien compris. »
« Vous ĂȘtes un fonceur, clivant aussi. Comment expliquez-vous ce fossĂ© avec les instances ?
Tout cela part de choses erronĂ©es. Jâai entendu des chroniqueurs dire, sur des chaĂźnes importantes, que jâavais Ă©tĂ© choisi par Pablo pour ĂȘtre le lien entre les supporters des quartiers nord et lâOMâŠ
MG : Câest Ă la marge.
Cela a Ă©tĂ© dit, je ne suis pas parano. Jâai entendu : âAh mais Pablo avait peut-ĂȘtre besoin dâun garde du corps.â Vous vous rendez compte de ce que les gens se permettent de dire ? Jâai fait 450 matches au haut niveau, et mĂȘme si on ne mâaime pas, on ne peut pas me lâenlever, jâai Ă©tĂ© capitaine de mon pays (le Maroc), jâai jouĂ© Ă lâUdinese, Ă la Roma, au Bayern, Ă la Juve. Pourquoi moi, quand je montre du doigt, je suis menaçant, pourquoi dâautres, quand ils vont dans le contact physique, ce nâest pas une menace (2) ? Jâirai jusquâau bout juridiquement pour montrer aux yeux de tous que câest gravissime ce qui se passe.
Julien Fournier, ancien directeur gĂ©nĂ©ral de lâOGC Nice, nous confiait quâil y avait une partie de folklore dans ces joutes, que tout le monde en rigolerait dans une dizaine dâannĂ©es, Olivier LĂ©tang et vous compris.
Si vous pensez une seconde que dans dix ans, jâen rigolerai⊠Ce que jâai vĂ©cu contre Lille⊠lâune des plus grosses humiliations de ma vie. Je viens pour calmer mon coach, pour apaiser la situation. Ă lâarrivĂ©e, ça se chauffe, je nâai rien Ă voir lĂ -dedans, le match est terminĂ©, je ne viens pas mettre la pression, je dis seulement au quatriĂšme arbitre : âDites-lui quand mĂȘme quâil y avait penalty lĂ -bas.â Ăa devient une menace et ça part sur une suspension de trois mois. Montrez-moi la rĂšgle prĂ©cisant que je nâai pas le droit dâĂȘtre lĂ . Il y avait soixante personnes ce soir-lĂ . M. Turpin nâa rien vu, il vient juste me mettre un carton rouge. Tu te sens minable, pas traitĂ© comme les autres.
Ă cĂŽtĂ© de ces polĂ©miques, vous ĂȘtes trĂšs bien intĂ©grĂ© dans le football françaisâŠ
On aimerait aussi ramener de la compĂ©titivitĂ© en L1. On dit quâil nây a plus dâargent dans notre Championnat, que certains clubs sont perdus, que dâautres sont en train de mourir. Câest vrai. Jâai essayĂ© de faire un Quentin Merlin de Nantes, un Amine Gouiri de Rennes, un Elye Wahi de Lens. Pourquoi au lieu dâaller acheter en Italie, en Angleterre ou en Espagne, on nâessaie pas de faire tourner lâargent en France ?
Allez-vous apprendre à gérer votre cÎté émotionnel ?
LâĂ©motionnel et la passion. Mes qualitĂ©s, ce sont celles-lĂ . Tu peux trouver 150 directeurs sportifs meilleurs que moi, plus compĂ©tents. En tant que joueur, si jâai rĂ©ussi, ce nâest pas grĂące Ă mes qualitĂ©s physiques, techniques. Câest grĂące Ă mon envie de rĂ©ussir. Je ne vais pas Ă©couter les gens et commencer Ă prendre de la hauteur comme on dit, ça, ce nâest pas moi. Mais je continuerai Ă passer des messages clairs, directs, sans manquer de respect Ă qui que ce soit.
Il y aura donc dâautres sorties mĂ©diatiques âĂ la Claussâ (3), comme lâan dernier. Vous ne la regrettez pas ?
(Sourire.) Et câest tant mieux pour vous, non ? Clauss est un garçon que jâapprĂ©cie Ă©normĂ©ment, je lâai revu Ă Nice, ça mâa fait plaisir de le prendre dans mes bras. Mais Ă ce moment-lĂ , il Ă©tait bon de faire cette sortie mĂ©diatique. Il nây avait rien de personnel, quand je pense quâon a parlĂ© de harcĂšlement⊠Cela a peut-ĂȘtre surpris. Wahi, je lui ai dit au moment de partir : âSi tu me croises un jour Ă Paris ou Ă DubaĂŻ, nâhĂ©site pas Ă venir Ă ma table, tu es mon invitĂ© et jâaurai plaisir Ă manger avec toi.â Parce que ça reste un bon garçon. »
(1) Selon plusieurs sources au club, Benatia ferait notamment allusion aux anciens patrons du centre de formation, Marco Otero et Yann Danielou, Ă lâancien DG StĂ©phane Tessier et Ă lâactuelle co-DG en partance et ex-DRH, CĂ©cilia Barontini.
(2) Benatia et le prĂ©sident du LOSC Olivier LĂ©tang ont respectivement Ă©tĂ© sanctionnĂ©s de trois mois de suspension ferme plus trois mois avec sursis et dâun mois de suspension ferme plus un mois avec sursis par la commission de discipline de la FFF pour leur comportement auprĂšs du quatriĂšme arbitre Ă la fin dâOM-Lille (1-1, 3-4 aux t.a.b.), le 14 janvier, en Coupe de France.
(3) Dans une interview Ă Canal+ le 18 fĂ©vrier 2024, Benatia avait notamment dĂ©clarĂ© : « Je suis arrivĂ© en novembre, on mâa mis en garde sur deux, trois joueurs dont le comportement Ă©tait parfois un petit peu limite. Jonathan faisait partie de ces joueurs-lĂ . »