Sex Education, quel bilan de la saison 2 ?

C’est peu dire que la première saison de Sex Education a été une bonne surprise. La série, mettant en scène un groupe d’ados qui organisaient des thérapies sexuelles dans un lycée, proposait un mélange d’humour et de drame très réussi. Grâce à un casting de jeunes acteurs méconnus et attachants et la géniale Gillian Anderson en sexologue sans contrainte, la série anglaise a été un carton total. La deuxième saison diffusée en janvier 2020 parvient à garder la recette mais souffre de quelques choix qui ternissent légèrement son bilan.

:warning: La suite de cet article contient des spoilers importants sur la saison 2 :warning:


Le core, moins efficace


La série s’appuie toujours sur un quatuor qui sert de base à ses intrigues principal. Au début de cette saison, Jean (Gillian Anderson) se lance dans une relation avec Jakob (Mikael Persbrandt) au moment même où leurs deux enfants démarrent également une relation. Bien que toujours bloqué au niveau sexuel, Otis (Asa Butterfield) découvre enfin les joies de la masturbation et débute sa première relation sérieuse avec Ola. Enfin, Eric (Ncuti Gatwa) est encore chamboulé par son aventure avec Adam et le départ de ce dernier vers une école militiare peu après. Faisons le bilan de la saison pour chacun d’entre eux.

Concernant Otis, il y a des choses intéressantes. On sent poindre un côté connard et égoïste sur de petites scènes en cours de saison et le virage opéré dans l’épisode 6 n’est pas une mauvaise idée. En embrassant ce côté connard du personnage, on teste notre attachement à ce dernier. C’est toujours intéressant dans ce genre de séries (Love, diffusée sur Netflix, l’avait fait avec brio à la fin de la première saison). La réflexion que ses actes amène sur sa relation avec son père permet à la série et au personnage de bien retomber sur ses pattes. Otis se libère des contraintes qu’il se met lui-même et va enfin dire ce qu’il pense.

Le problème avec Otis cette saison c’est que le voyage du point A (début de l’histoire avec Ola) au point B (libre, il avoue ses sentiments à Maeve dans un timing désastreux) en 8 épisodes demande une grande délicatesse, ce qui n’a pas toujours été le cas. Difficile donc de s’émouvoir de son échec dans la déclaration de ses sentiments.

Car le soucis principal de cette saison c’est que la relation Maeve/Otis (un des gros point forts de la première) est tout simplement absente… Hormis la garde d’une gamine qui a ranimé leur alchimie, ils traversent la saison chacun de leur côté, et quand on veut installer une trame de comédie romantique où les deux se loupent juste pour une question de timing, il faut qu’on soit déchiré. Il faut rappeler qu’on est dans leur camp, qu’on milite pour leur couple. Mais si on ne les voit jamais ensemble…

Pourtant, Maeve n’a pas une mauvaise saison. Après une première saison dans un rôle de misfit de l’école, elle a une vie plus apaisée dans le lycée et on peut explorer son amitié avec Aimee paisiblement. Et développer rapidement une trame personnelle avec le retour de sa mère, ancienne addict. Cette intrigue est plutôt classique dans les drama, mais le choix de Maeve de dénoncer sa mère dans le dernier épisode est aussi difficile que touchant. Le piège de cette saison était de la bloquer dans ses sentiments envers Otis, de créer une jalousie et délaisser le reste, mais ils ont su la développer et la renforcer de son côté pour qu’elle soit celle qui sorte grandie de la saison.

Pour Eric, la première saison avait proposé, entre autres, des scènes déchirantes basées sur de simples tenues vestimentaires. Cette saison est plus joyeuse pour le personnage dont la libération personnelle opérée par le passé lui permet de s’épanouir sentimentalement. Je reviendrais plus bas sur Rahim, mais ce nouveau personnage a bien rempli son rôle pour servir de tremplin afin qu’Eric trouve enfin son bonheur avec Adam. Il n’y a rien de particulier de plus à dire sur ce personnage principal/secondaire qui continue son évolution.

Pour finir sur ce quatuor, parlons de Jean. Dans la première saison, elle gravitait à distance autour des autres intrigues avec Otis en relais quasi exclusif, et servait de machine à punchline magnifique. Gillian Anderson pouvait sortir de la froideur de ses anciens rôles et se lâcher totalement, ce qu’elle a fait avec un plaisir non dissimulé. On a senti que les scénaristes se sont retrouvés bloqués, l’idée d’une femme indépendante qui doit partager à nouveau son espace personnel avec un homme était plutôt bonne mais après deux bonnes scènes on a compris le délire et la série n’a pas vraiment trouvé de second souffle dans leur histoire (jusqu’à la révélation finale de sa grossesse). Le deuxième acte, plus prometteur, était pour elle de servir de conseillère à l’école. Mais là encore, les scénaristes ont eu du mal à trouver la bonne formule et cette idée n’a pas vraiment délivré ses promesses. Du côté de Jean, le bilan est donc plus mitigé selon moi.


Des personnages secondaires en progrès


Sex Education, c’est et c’était aussi de bons personnages secondaires. Sur ce point, la saison n’a pas déçu.

Ola (Patricia Allison) avait le rôle à la con de la saison. Personne ne militait pour sa relation avec Otis, le personnage n’était pas particulièrement attachant qui plus est. C’était compliqué. Et pourtant, en donnant le mauvais rôle à Otis et en relançant tout de suite le personnage sur une histoire avec Lily, on parvient à la garder dans le paysage et à montrer d’autres facettes du personnage (franche et libérée) qui trouvent leur place dans la série. On est encore loin de l’adorer, mais elle s’en sort mieux que prévu cette saison.

Lily (Tanya Reynolds) les scénaristes ont voulu tourner la page de la traqueuse de pénis pour se dépuceler on peut comprendre ce choix. Trouver un nouveau rôle à ce personnage excentrique qui servait de comic relief n’était cependant pas simple. Au début, ils l’ont fait exister dans la relation Otis/Ola en développant une amitié (puis autre chose) avec cette dernière, mais c’est à peu près tout, elle a eu du mal à exister dans les intrigues. La relation homosexuelle avec Ola pourrait ressembler à une facilité des scénaristes pour garder ces deux personnages dans l’histoire, et c’est sans doute vrai, mais ce n’est pas quelque chose qui me gêne. Grâce à la pièce en fin de saison et la fascination de Ola pour ses récits excentriques, il y a toujours une place pour Lily dans la série.

On détecte assez facilement le plan de saison de certains personnages. Adam (Connor Swindells) est de ceux-là. Il était dans une école militaire, toujours dans le placard et en quelque sorte bridé par l’autorité de son père et sa destination établie en fin de saison était de s’assumer et de se déclarer à Eric. À la différence de beaucoup d’autres intrigues (dans cette série et dans d’autres), le chemin a été une grande réussite. On dénombre beaucoup de bonnes scènes en solo (comme la masturbation en forme de dilemme), avec Ola (sa première déclaration d’amitié) mais aussi des choses plus douloureuses comme son échec à l’école militaire ou le renvoi du boulot où il commençait à se faire une place. Beaucoup de choses ont gravité autour de lui, et cet homme fermé, presque robotique qui peu à peu devient un humain fonctionnel a été un grand point fort de la saison.

On peut saluer la volonté des scénaristes de ne pas enfermer leurs personnages dans une boîte. Lily n’est plus qu’une fille excentrique qui veut se dépuceler, et Aimee (Aimee Lou Wood) ne va pas rester la fille idiote qui nous fera marrer par ses réflexions stupides. Bien sûr, certaines de ses réactions et son apparente légèreté font toujours sourire, mais ils ont su profiter de ça dans son histoire du frotteur du bus. Les scènes dans le commissariat sont à la fois drôles et gênantes, on la sent dépassée par les évènements mais elle arrive encore à nous faire rire. Le trauma qui se révèle de plus en plus grand permet de sortir un épisode « girl power » extrêmement réussi. Parfois il suffit d’une histoire sur la saison pour faire grandir un personnage. Parler d’un sujet fort, et le gérer de façon juste et la trame d’Aimee cette saison est une bonne histoire.

Jackson (Kedar Williams-Stirling) nous donne tout d’abord un petit sentiment de frustration, la série débute dans une forme de redite de la première. Il ne veut plus nager, et il est en colère contre Maeve. Mais grâce à Viv et au temps passer à le faire développer son intérêt pour le théâtre. Puis en délaissant le côté sentimental, les scénaristes sont parvenus à le rendre plus sympathique, mature et touchant comme dans sa relation avec ses mères.

Pour finir, un petit mot sur les autres adultes qui ont eu plus de matière pour exister cette saison. Je retiendrais par exemple Miss Sand, la prof sérieuse et sympathique qui montre ses petits kink à la maison. La nouvelle vie de Maureen Groff grâce aux conseils de Jean a permis de sortir du drama des jeunes tout en proposant un propos pertinent avec ce personnage de mère au foyer qui se libère.


Nouveaux personnages : bilan contrasté


Était-il nécessaire d’agrandir la famille Sex Education ? Les scénaristes ont estimé que oui, ils ont ajouté quelques nouveaux personnages. J’évoquerais trois d’entre eux. Rahim (Sami Outalbali), Viv (Chinenye Ezeudu) et Isaac (George Robinson).

Le premier a eu une entrée fracassante dans le lycée et la série, teasé dans les trailers et sur les réseaux sociaux. On peut apprécier le fait qu’ils se soient montrés mystérieux sur son rôle pendant deux ou trois épisodes et le fait qu’ils aient pris le temps de dévoiler son rôle. Cela a donné au personnage du mystère et un charisme évident au personnage. Mais c’est un choix à double tranchant car quand il se révèle un peu plus, on n’a rien vu qui justifiait cette grande entrée en matière. Il a principalement servi de troisième rôle dans un triangle amoureux avec Adam et Eric et les scénaristes ne lui ont pas donné grand chose de plus. Hormis l’épisode de la messe à l’église où le personnage a enfin plus de matière, c’est la déception qui l’emporte.

Viv aurait pu avoir un simple rôle de nerd servant à occuper Maeve dans le projet de Quizz Heads et de faire-valoir pour Jackson dans la transition vers sa nouvelle vie. Mais grâce à l’énergie de l’actrice et une des rares (la seule?) amitiés fille/gars sincère de la série, Viv a pu donner un peu plus que ça. Ces nouveaux personnages secondaires ajoutés dans une série sont facilement « jetables », les scénaristes peuvent donc se permettre de les laisser de côté assez vite, mais avec Viv, ils n’en ont pas eu besoin, c’est un pari réussi et nul doute qu’on la verra un peu plus par la suite.

Isaac est un jeune homme handicapé qui s’installe dans le voisinage de Maeve. On pourrait résumer son rôle à : type insupportable au premier abord qui cache un coeur dessous, mais qui va faire chier la relation Maeve/Otis. Ce n’est pas très palpitant, le personnage sera vite oubliable. Néanmoins, pendant la suppression du message d’Otis en fin de saison on a réussi à donner une sensation de désespoir qui m’a parlé. Bien sûr, l’objectif pour les scénaristes est principalement de retarder Otis/Maeve de se mettre en couple, mais avec ce qui a été construit sur ce personnage, j’ai plus ressenti le désespoir de ce personnage amoureux qu’un simple acte de cruauté.


Sex Education reprend beaucoup de codes de la comédie romantique, il faut donc accepter son lot de timing foireux pour retarder les couples, de personnages secondaires qui servent juste à faire briller les autres. Mais la série arrive toujours à nous prendre par surprise sur certains d’entre eux (comme Jackson qui à l’usure finit par nous intéresser, Aimee qui n’est pas que l’idiote du village, ou Ruby dans l’épisode 7 qui montre plus que son côté bitchy, et bien sûr Adam qui brille à mesure qu’il s’humanise). Grâce à ces bonnes surprise, la deuxième saison ne peut pas nous décevoir totalement, mais il faudra néanmoins penser à soigner le core de la série pour revenir à la hauteur de la première.



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Moins de boobs qu’en saison 1, série en net déclin pour moi.

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J’ai pas le temps de développer ce soir, je le ferai bientôt, mais je ne suis absolument et indubitablement pas d’accord avec l’analyse (ou la conclusion de cette analyse en tout cas).

Petite précision pour la conclusion, la série est évidemment bien plus qu’une comédie romantique, mais dans la part de drama et en particulier Maeve/Otis, c’est l’inspiration principale à mon sens, et c’est pour ça que les distances, les non-dits et les coups de « comme par hasard » dans les mauvais timings sont une ficelle à accepter.

Le seul reproche que je ferais c’est pas le discours bourré de Otis, c’est la distance qu’ils ont mis entre Maeve et Otis toute la saison, distance qui ne se justifiait pas et qui a nuit à la saison.

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Beaucoup trop dans cette seconde saison. Je te rejoins sur pas mal de choses.

C’est d’ailleurs un truc qui me pose pas trop de soucis, j’ai adoré Lovesick qui joue principalement sur ces codes aussi. Mais ce plan a simplement desservi certains aspects de la saison et c’est là que ça me pose un petit soucis.

Globalement tout l’aspect conseils entre jeunes dans les chiottes sales, ça m’a un peu manqué, tout un pan de la série a été mis de côté, c’est dommage je trouve.

Voilà un bon résumé, le reproche que tu fais sur la distance entre Maeve et Otis, incompréhensible même.
Après la saison 1 j’attendais enfin leur rapprochement. Et patatra. Que dire du final…

J’ai pas osé en parler dans l’article @Hoshi parlait de son coup de coeur pour Ruby.

Moi, au risque de surprendre, j’aime bien Miss Sand, j’étais donc content de l’épisode sur ses problèmes :sac:

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En réalité, je trouve que le fait que Maeve et Otis ne se parlent quasiment plus très intéressant. Dans cette saison, ils ont développé d’autres types de sexualité non abordées auparavant (c’est le but initial de la série). Des personnages un peu trop caricaturaux ont trouvé une seconde fraicheur (Adam, Ruby, le directeur…) et Maeve est devenue de plus en plus humaine quand Otis, justement, dérive un peu vers un côté obscur.

Honnêtement, je trouve cette saison hyper complémentaire à la première. Et en terme de dialogue ou de photographie, ça reste très bon. Un peu plus absurde, mais toujours très bon.

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